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À propos de la santé mentale des jeunes en pandémie



Publié par: Jordan Craig Larouche

Pour bien comprendre l’effet du confinement et de la pandémie sur la santé mentale des jeunes, il faut comprendre un concept important, celui de l’identité. Quand on est plus vieux, on a des responsabilités. En vieillissant, on commence à avoir des enfants, un travail, une carrière, des projets à accomplir. À un moment, ce sont ces choses-là qui définissent qui on est, qui, jusqu’à un certain point, donnent un sens à nos vies. Ces choses-là peuvent servir, en contexte de pandémie, d’ancres auxquelles on peut s’accrocher. C’est ce qui permet à certaines personnes de traverser la pandémie sans être trop affectés.

Par contre, quand on est un jeune étudiant, de l’université, du cégep, et surtout du secondaire, les déterminants de notre identité sont plus minces, beaucoup plus fragiles. Par exemple, on se demandait il y a quelque mois si oui ou non il fallait rouvrir les sports étudiants. Il faut comprendre que pour beaucoup de jeunes, le sport, c’est plus qu’une façon de se garder en santé ou d’avoir du fun. Pour beaucoup, les équipes de hockey ou les entraînements de tennis après l’école, c’est tout : ce qu’ils ont, et ce qui les définit. Or, ce sont exactement ces choses qui lui permettaient de se définir et de s’affirmer que la jeunesse a perdu dans cette crise. Le contact humain et les sorties avec les amis ont pris le bord et ne peuvent pas être simplement remplacés par des zooms.

Moi-même, j’ai vécu quelque chose comme ça. Comme pour, j’imagine, une grande partie des gens qui vont lire ce texte, la politique prend une place très importante dans ma vie. Mon implication politique est devenue dans les dernières années très centrales et a profondément changé ma vie. Avec l’arrivée de la pandémie et de la longue suite de mesures qui ont été graduellement implantées, l’implication politique est devenue dans les faits impossible. Elle n’est pas complètement disparue, mais, dans les faits, la vie politique telle que je la connaissais est pratiquement morte. Maintenant, je me retrouve seul devant mon PC et j’en viens à me poser la question « qu’est-ce que je suis censé être maintenant? ».

Je sais que je ne suis pas le seul dans cette situation. Ce que j’essaie de dire, c’est que la principale chose que nous a enlevé la pandémie, à nous, les jeunes, ce sont nos points de repères.

Ce qui m’amène à mon point le plus important : la motivation. Dans les derniers mois, on a beaucoup parlé d’à quel point c’est difficile de rester concentré dans un cours en ligne, d’à quel point c’est difficile de ne pas juste aller faire autre chose ou d’aller voir Facebook pendants un cours. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas juste une simple question de concentration. À un moment donné, la question n’est plus « est-ce que tu es capable de rester concentré? », la question devient « à quoi bon rester concentré? ». Quand tu perds tes repères et que ton identité prend le bord, c’est difficile de se concentrer sur des objectifs à long terme. On nous dit souvent à nous les étudiants qu’on doit étudier et avoir de bonnes notes pour aller loin dans la vie, mais comment est-on sensé préparer qui on va devenir quand on perd tout le sens de qui on est aujourd’hui?

Il faut se rappeler qu’en ce moment, ce qu’on perd, ce sont les moments les plus formateurs d’une vie. On pourrait dire que les restrictions liées à la covid-19 vont juste durer un an, peut-être plus, mais il faut mettre les choses en perspective. Pensons aux évènements les plus marquants, les plus importants dans la jeunesse : la plupart durent moins d’une semaine, certains moins d’une journée et d’autres ne durent que quelque seconde. La graduation, le bal des finissants, le premier amour, le premier voyage : des moments qui pour toute une génération n’ont simplement pas pu se produire et, parfois, ne reviendront tout simplement jamais.

C’est sûr que l’on comprend que la situation actuelle est particulière et sans précédent. Au moment où vous lisez ces lignes, des milliers de personnes souffrent de la Covid-19, certains en meurent et certains se retrouvent avec des séquelles qui dureront très longtemps. Beaucoup d’entre nous ont perdu des proches, des grands-parents et parfois même des parents.

On ne demande pas au gouvernement de lever l’entièreté des mesures sanitaires. Il serait immoral de sacrifier les personnes âgées et les personnes vulnérables au nom de la jeunesse. Ce qu’on demande avant tous, c’est de la compassion, de l’écoute et de la compréhension. Il faut que le gouvernement et la classe politique prennent conscience de ce la situation que nous, les jeunes, sommes est en train de vivre et qu’ils agissent en conséquence. Permettre le retour partiel en classe dans des conditions sécuritaires, comme le propose le Parti Québécois, serait déjà une première marque de considération.